- Cy
conmence un miracle de Nostre Dame, conment
elle garda une femme d' estre arse.
GUILLAUME. Guibour,
dire vous vueil m' entente:
- Je
m' en vois, sanz plus faire attente,
- Aux
champs visiter mes gaignages,
- Afin
que d' ouvriers, conme sages,
- Soie
pourveuz sanz faillir,
- Quant
il les me fauldra cueillir.
- Je
scé bien faire les m' estuet
- Soier,
et demourer ne peut
- Mie
granment.
- GUIBOUR.
Sire, il me plaist bien,
vraiement;
- Je
ne vous vueil desdire en rien.
- Je
tien que le dites pour bien,
- Si
m' i ottroy.
- LA
FILLE. E! mon chier pére, je
vous proy
- Qu'
avec vous voise sanz debat,
- Si
prendray un petit d' esbat:
- Piéce
a que de ceens n' yssi,
- Et
compagnie avoir aussi
- Meilleur
ne puis.
- GUILLAUME.
Fille, il me plaist: venez
ent, puis
- Qu'
ainsi vous haitte.
- LA
FILLE. Alons. Sire, vez me ci
preste.
- Ma
mére, a Dieu!
- GUIBOUR.
Or, vous gardez d' aler en lieu
- Ou
il n' ait bien seure voie.
- Certes,
ta femme a moult grant joye
- D'
aler avec son pére, Aubin.
- Biau
filz, je te pri de cuer fin
- Qu'
avec moy jusqu' au moustier viengnes,
- Et
que compagnie me tiengnes
- Tant
que g' i soie.
- AUBIN.
Se de ce refus vous faisoie,
- Ne
me tenroie pas pour sage.
- Ma
dame, alons: de lié courage
- Vueil
vo gré faire.
- GUIBOUR.
Alons; mais que lieu, sanz
meffaire,
- Près
du sermonneur puisse avoir,
- Je seray
bien aise, pour voir.
- Avançons
nous.
- PREMIER
VOISIN. Egardez, Gautier: veez vous
- La
mairesse aler et son gendre?
- Pour
certain l' en me fait entendre
- Qu'
il sont tout un.
- DEUXIESME
VOISIN. C' est un proverbe
tout conmun
- Qu'
il en fait conme de sa femme;
- Et
c' est a touz deux grant diffame,
- Ce
m' est avis.
- PREMIER
VOISIN. C' est voir; mais pour
nostre devis
- Ne
lairont riens de leur convine.
- Alons
querre celle chopine
- De
vin que devons boire ensemble,
- Si
ferons trop miex. Vous qu' en semble?
- Ay
je voir dit?
- DEUXIESME
VOISIN. Je n' y met point de
contredit:
- Robert,
alons.
- GUIBOUR.
Cy me vueil mettre a genoullons.
- Se
demourer icy, biau fiex,
- Ne
voulez, et vous amez miex
- En
la ville aler vous esbatre,
- Aler
y poez sanz debatre
- Hardiement.
- AUBIN.
Dame, aler y vueil
voirement;
- N'
ay pas apris a demourer
- Tant
au moustier pour Dieu orer
- N'
oir sermon.
- <Cy conmence le sermon.>
Ab inicio et ante secula creata sum, etc. . Ecclesiastici
XXIIIIo. Ces paroles proposées en latin veulent
ainsi dire en françois: Avant des sciécles le conmencement
sui creée pardurablement; c' est la sentence
des paroles. A ceulx qui les loenges de la vierge
benoite veulent pronuncier et mettre avant, la vierge
en eulz enseignant es paroles proposées les adevance et
leur propose quatre choses esquelles elle comprent toutes
loenges, et les divise par quatre degrez ou par quatre
procès, dont le premier degré est entendu selon ce que
dès le conmencement fu sa predestinacion: Ab inicio,
etc. ; le second selon ce qu' en ce monde fu sa conversacion:
Et in habitacione sancta; le tiers selon ce qu' elle
fu prise ou ciel et eslevée: Et in civitate sanctificata, etc. ;
le quart selon ce qu' elle est du peuple loée et honorée:
Et radicavi in populo honorificato. Quant au premier
qui est quant a sa predestinacion, je di qu' elle surmonte
toutes creatures, en ce qu' elle dit: Ab inicio; ycy mect
elle deux choses pour quoy elle mect au devant sa predestinacion,
c' est assavoir sa dignité par laquelle touz les
siécles preceda, et sa pardurableté par laquelle jour de
siécle ne deffaudra: Ab inicio, etc. , usque ad futurum
seculum non desinam, c' est a dire dès pardurablement,
qui est conmencement sanz conmencement, je suis creée,
c' est a dire je suis preveue estre creée par l' adevancement
de dignité, si conme il est dit Sapiencie po: Prior omni
creata est sapiencia dignitate: La premiére de toutes
choses fu sapience creée en dignité, par laquelle Marie
preceda, c' est a dire fu avant les siécles, voire avant les
siécles des anges, les siécles des anciens, les siécles de
ceulx qui maintenant sont et qui jamais seront. Pour
quoy li peut estre dit ce qui est escript Judith XVo: Tu
gloria Jerusalem, etc. : Dame, tu es la gloire de Jerusalem,
c' est a dire des anges desquelx tu as la ruine et le
trebuchement reparé; tu es la leesce d' Israel, c' est des
crestiens desquelx tu as l' ire reconsiliée et appaisié; tu
es l' onorificence de ton temple, c' est des Juifs desquelx tu
as l' infame relevé. Et a ces trois poins peut elle dire ce
qui est escript Ecclesiastici XXIIIIo: Ego feci ut in celis,
etc. : J' ay fait que es cieulx leveroit une lumiére sanz
deffaillir, c' est quant a la reparacion des anges; et ay couvert
toute la terre conme une nue, quant a la reconsiliacion
des crestiens; et si ay habité es treshaulx lieux,
quant au tiers point. Et pour ces trois poins li peut on
dire ce qui est dit Hester VIIIo: Lux nova oriri visa est,
etc. . Dame, tu es la nouvelle lumiére qui est veue
luire; tu es la joie des anges, desquieulx tu es saluée et
annoncée; tu es l' onneur aux Juifs, desquelx tu es née et
prophetisée; tu es le rebaudissement des crestiens et de
toute sainte eglise, desquelx tu es advocate nommée.
Après je di que Marie par dignité precéde touz les siécles
en haultesce de puissance, en planté et en grandeur
de gloire et de grace. En haultesce de puissance, car en
son nom toute creature, tant du ciel conme de la terre et
d' enfer, se flechist et encline, dont elle peut dire: In
omni gente et in omni populo primatum habui, Ecclesiastici
XXIIIIo: En toute gent ou sur toute gent des siécles
terriens et en tout le peuple des siécles celestiens ai je
premiére eu seigneurie et puissance; les pechiez des
orgueilleux et des haultains, c' est des ennemis d' enfer,
par ma propre vertu ay je abaissié et soubzmis; si
devez savoir que la vierge est aourée des annemis, des
anges et des hommes, mais differenment: car les ennemis
l' aeurent par cremeur et paour, li anges par reverence et
honneur, les hommes par devocion et amour. Après je
di qu' elle precéde touz les ciécles en planté de grace,
tant pour ce qu' elle en ot en lui, tant pour ce qu' elle en
trouva en Dieu, et tant pour ce qu' elle nous en a donné
et abandonné. Aussi di je qu' elle a surmonté touz les
siécles en grandeur de gloire quant en trois choses, qui
a saint Jehan furent revellées Appocalypsis XIIo: Signum
magnum, mulier amicta sole, > etc. . Saint Jehan dit qu' il
vit une femme affublée du soleil et avoit la lune soubz
ses piez et une coronne de douze estoilles en son chief. Par
ceste femme j' entenz la vierge benoiste, qui du soleil de
justice fu affublée, quant elle ot conceu le benoit Jhesu
seconde personne de la divinité; par la lune qu' elle avoit
soubz ses piez j' entens les biens temporieux et le monde
dont elle avoit ses desirs et ses affeccions hors mis et jettez;
par la couronne de douze estoilles j' entens douze previléges
qui par excellence et singularité lui furent octroiez
et donnez, des quieulx pour cause de brieté je me passe.
Ainsi appert le premier point de nostre sermon, c' est que
la vierge par sa predestinacion en dignité preceda. Or s' ensuit
sa pardurableté, par laquelle jour de siécle ne deffauldra,
et c' est touchié: usque ad futurum non desinam. Or
je note trois choses qui ja ne li deffaudront, c' est assavoir
sa gloire ou elle a a regner, dont il est escript
Thobie XIIIo: Benedictus Dominus, etc. : Benoit soit
nostre seigneur qui l' a essaucie a ce qu' elle regne es siécles
des siécles: secondement sa memoire qui est a pardurablement
loer: Memoria mea in generacione seculorum;
tiercement sa misericorde preste a nous touz jours
subvenir; et pour ce est elle proprement dite mére, qui ses
benefices ne refuse a nullui, ne onques, selon ses misericordes,
ses loenges et ses beneurtés, a aucun ne deffailli.
De ces trois est il escript Danielis IIIo: Placuit michi
predicare, etc. : Il m' a pleu preschier ses signes qui
grans sont, c' est quant au premier; et ses merveilles, car
fortes sont, quant au second; et son regne, car c' est regne
qui durra pardurablement, quant au tiers. Auquel regne
par les merites de la vierge nous doint pervenir celui
qui est péres et filz et sains esperis, un Dieu sanz
fin et sanz conmencement.
- GUIBOUR.
Ha! dame du hault firmament,
- Maleureuse
est la personne
- Qui
a vous servir ne s' adonne,
- Et
de bonne heure est celle née
- Qui
mect en vous cuer et pensée;
- Car
nul ne fait en mal tant cours
- Que
vous ne li faciez secours
- Tel
que du tout se voit delivre
- De
ses maulx, puis qu' a vous se livre.
- Dame,
qui es par excellence
- Es
cieulx, lez la divine essance,
- Sur
touz les sains auctorisie,
- Vierge,
par ta grant courtoisie,
- Soies,
ce te pri de cuer fin,
- Mon
refuge, si qu' ains ma fin
- Faces
m' ame si affiner
- Que,
quant ce corps devra finer,
- Eschiver
puist d' enfer l' ombrage
- Et
des cieulx avoir l' eritage,
- Que
moult desir.
- LE
COMPéRE. Conmére, Dieu par
son plaisir
- Bon
jour vous doint.
- GUIBOUR.
Biau compére, et il vous pardoint
- Voz
meffaiz et a moy les miens.
- Que
fait ma conmére? je tiens
- Que
bien le fait.
- LE
COMPéRE. La Dieu mercy,
voirement fait.
- Et
vous, conmére?
- GUIBOUR.
Bien. Je me lo de Dieu, compére;
- Car
fait nous a grace moult grant
- De
ce qu' a un si bon enfant
- Avons
nostre fille donnée,
- Qu'
estre ne pouoit assenée
- Miex,
ce m' est vis.
- LE
COMPéRE. Conmére, je suis
trop envis
- En
lieu ou j' oie diffamer
- Personne
que j' ains ne blasmer,
- Qu'
a mon pouoir ne l' en deffende
- Et
que pour son honneur ne tende
- L'
en faire sage.
- GUIBOUR.
Pour quoy dites vous ce langage?
- Dites,
compére.
- LE
COMPéRE. Je le vous diray,
ma conmére.
- L'
en dit par toute ceste ville
- Qu'
aussi conme avec vostre fille
- Vostre
gendre avec vous s' esbat
- Et
gist, quant li plaist, sanz debat,
- Et
que c' est de vous deux tout un:
- Ainsi
le dit on en commun,
- Et
que pour nient n' est pas si cointe,
- Car
il est de la mére acointe
- Et
de la fille.
- GUIBOUR.
E! lasse, cuert aval la ville
- Telle
renommée de moy?
- Par
celle foy que je vous doy,
- Compére,
onques ne l' espousay.
- Qui
l' a mis avant je ne say,
- Mais
il a fait pechié mortel.
- Ja
Dieu ne vueille qu' en fait tel
- Soie
reprise!
- LE
COMPéRE. Conmére, je vous
en avise
- De
bonne foy, si ait Dieu m' ame.
- Ne
m' en donnez ne los ne blasme,
- Belle
conmére.
- GUIBOUR.
Mais vous en sçay bon gré,
compére,
- Et
vous pri, quant l' orrez retraire,
- Que
dites qu' il est du contraire
- Hardiement.
- LE
COMPéRE. Je vous en croy
bien, vraiement;
- Ore
vous vous en donrez garde.
- A
Dieu, qui vous ait en sa garde!
- Jusqu'
au revoir.
- GUIBOUR.
Le benoit jour puissez avoir,
- Compére,
et la vostre merci.
- Doulce
mére Dieu, qu' est ce ci?
- Qu'
ont ore les gens enpensé
- D'
avoir telle chose pensé
- Sur
moy sanz cause et sanz raison?
- Et
par foy c' est grant traison.
- Je
n' en puis mais, s' en suis dolente
- Et
se j' en pleure et me demente.
- Doulce
mére Dieu, que feray?
- Certes,
jamais ne cesseray
- De
penser tant que j' aie attaint
- Conment
ce renom soit estaint
- C'
on m' a sus mis.
- PREMIER
SOIEUR. Sevestre, compains et
aimis,
- Alons
men en place savoir
- Se
nous pourrons un maistre avoir.
- Nous
n' avons touz deux croix ne pille;
- Ne
partons pas de ceste ville
- Sanz
gaignier ent.
- DEUXIESME
SOIEUR. Mondot, tu diz bien;
alons ment.
- Je
sui prest, vezci ma faucille;
- Pren
la teue aussi. Avant: bille
- Droit
en la place.
- PREMIER
SOIEUR. Je m' en vois; or me suis a
trace.
- Sevestre,
il est bien matinet.
- Egar:
encore ame n' y est
- Qu'
entre nous deux.
- DEUXIESME
SOIEUR. Mondot, ce n' est pas
moult grant deulx;
- Mieulx
nous vault estre des premiers
- Que
ce que feussions derreniers.
- Se
Dieu plaist, assez tost venra
- Aucune
ame qui nous fera
- Gaingner
monnoie.
- GUIBOUR.
Jamais en mon cuer n' aray joie
- Si
aray estaint mon reprouche;
- Mais
je ne vois conment l' approuche,
- Se
n' est par la mort de mon gendre.
- Certainement
il me fault tendre
- Conment
je la puisse approuchier.
- Je
n' ai point mon argent si chier
- Qu'
assez et largement n' en donne
- A
aucune estrange personne
- Qui
si le tenra en ses poins
- Qu'
a fin le mettra de touz poins;
- Et
j' ay maintenant la saison
- Miex
qu' en autre temps par raison,
- Car
venuz sont de toutes pars
- Estranges
ouvriers qui espars
- Se
sont pour gaingner ci aval.
- Je
m' en vois savoir, mal que mal,
- En
la place se je verray
- Ame
a qui parler en pourray.
- Egar:
g' i voi deux grans ribaus
- Qui
semblent estre fors et baus
- Pour
faire tost un cop cornu.
- Seigneurs,
estes vous ci venu
- Pour
gaingner?
- PREMIER
SOIEUR. Oil, dame; avez vous
mestier
- De
nul de nous?
- GUIBOUR.
Oil, espoir. Dont estes vous?
- Dites
le moy.
- PREMIER
SOIEUR. Nous sommes de vers le
Crotoy,
- Et
savons bien soier et batre:
- S'
avez gangnages a abatre,
- Voulentiers
en merchanderons
- Et
si les vous abaterons
- Bien
et tost, dame.
- GUIBOUR.
Biaux seigneurs, je suis une
femme
- A
qui vous pourrez bien gangnier,
- Se
voulez, a po barguignier,
- Assez
du mien.
- DEUXIESME
SOIEUR. Par foy, dame, il
nous plaira bien.
- Qu'
avez a faire?
- GUIBOUR.
Ains que vous die mon affaire,
- Je
vueil que sur sains me jurez
- Qu'
a homme nul vous ne direz
- N' a
femme ce que vous diray;
- Et
puis je vous deviseray
- Quelle
est m' entente.
- LE
DEUXIESME SOIEUR. Quant est de
moy, sanz plus d' attente,
- Je
vous jur que vostre secré,
- Dame,
se n' est de vostre gré,
- Nul
ne sara.
- PREMIER
SOIEUR. N' aussi par moi ja ne
fera,
- Dame,
je vous en asseur.
- Or
nous dites en bon eur
- Vostre
plaisir.
- GUIBOUR.
Seigneurs, vezci tout mon desir:
- C'
un homme me soit a mort mis,
- Combien
que soit de mes amis,
- Par
vous deux; et prenez du mien
- Largement,
je le voulray bien.
- Je
suis sanz cause diffamée
- De
li, et en queurt renommée,
- Dont
triste et dolent ai le cuer,
- Tant
que ne le puis a nul fuer
- Vous
dire a droit.
- DEUXIESME
SOIEUR. Dame, dame, soit tort
ou droit,
- S' a
nous deux ... o! livrés, livrez!
- De
touz poins sera delivrez,
- Ja
n' i fauldra.
- PREMIER
SOIEUR. Voire; mais il nous
convendra
- Temps
avoir d' aviser conment
- Pourrons
faire celéement
- Ceste
besongne.
- GUIBOUR.
Je le vous diray sanz eslongne:
- Je
vous mettray en mon celier;
- Puis
penseray d' assemiller
- Ci
la besongne, et tant feray
- Que
jusques la l' envoieray
- Aussi
que pour querre du vin.
- Quant
le tenrez, mettez l' a fin
- Sanz
li faire plaie ne sanc,
- N'
en ventre n' en teste n' en flanc:
- Estranglez
lay.
- DEUXIESME
SOIEUR. Il vous sera fait
sanz delay;
- Or
nous menez en ce celier,
- Et
puis pensez de besongnier
- Au
remanent.
- GUIBOUR.
Voulentiers, seigneurs; or avant!
- Venez
vous ent aveques moy;
- Je
vous paieray bien, par foy.
- Boutez
vous touz deux la dedens;
- Je
ne mengeray mais des dens
- Si
le vous aray envoié.
- Or
est mon fait bien avoié,
- Si
venist: je n' ay ceens ame:
- Mon
mari est hors et sa femme:
- Il
ne peut estre qu' il ne viengne
- Assez
tost. Aviengne qu' aviengne:
- Cy
l' attendray.
- AUBIN.
Cy endroit plus ne me
tendray;
- Je
voi bien que diner approuche.
- De
ce chapon qu' orains en broche
- Vy
mettre vois mengier ma part.
- J'
ay plus chier estre y tost que tart,
- Et
miex me vault.
- GUIBOUR.
La malade faire me fault,
- Puis
que mon gendre voi venir;
- Le
chief enclin me veil tenir
- Et
clos les yex.
- AUBIN.
Ma dame, qu' est ce la? que
Diex
- Vous
doint santé de corps et d' ame!
- Egar!
avez vous que bien, dame?
- Dites
le moy.
- GUIBOUR.
Je friçonne toute, par foy,
- Et
sens bien que d' acès sui prise,
- Et
si sui de soif si esprise
- Que
ne puis plus, biau filz Aubin.
- Je
te pri, prens un pot a vin,
- Et
me va un po de vin querre
- En
nostre celier; fai bonne erre,
- Si
buveray.
- AUBIN.
Dame, voulentiers le feray,
- Combien
que c' est vostre contraire;
- Nonpourquant
je vous en vois traire,
- Puis
qu' il vous haite.
- GUIBOUR.
Or vas tost. Ma besongne est
faite:
- Assez
tost delivre en seray.
- Or
fault penser conment feray
- Quant
au surplus.
- PREMIER
SOIEUR. Dame, ne vous dementez
plus:
- C'
est delivré.
- GUIBOUR.
Seigneurs, l' avez a mort livré?
- Par
quelle guise?
- DEUXIESME
SOIEUR. N' i avons point fait
de faintise,
- Dame:
par la gorge l' avons
- Si
estraint que de voir savons
- Que
tout mort gist.
- GUIBOUR.
Bien est, seigneurs, il me
souffist;
- Mais
sanz vous plus ci deporter,
- Il
le vous convient apporter
- Yci,
si le despoullerons
- Et
en son lit le coucherons;
- Et
puis vostre argent vous donrray,
- Et
si vous en envoieray
- Au
Dieu plaisir.
- DEUXIESME
SOIEUR. Il vous sera de grant
desir
- Fait
tout en l' eure.
- PREMIER
SOIEUR. Dame, moustrez nous sanz
demeure
- Ou
vous voulez qu' il soit couchiez;
- Par
amour or vous despeschiez
- Ains
qu' ame viengne.
- GUIBOUR.
Pour ce que gaires ne vous
tiengne,
- Seigneurs,
couchiez le sur ce lit,
- Conme
s' il dormist par delit.
- C'
est bien, il est a mon talent.
- Tenez,
d' aler ne soiez lent,
- C'
on ne vous truisse.
- DEUXIESME
SOIEUR. Non fera l' en tant
com je puisse
- Sur
piez ester.
- PREMIER
SOIEUR. Non fera l' en moy, sanz
doubter.
- Puis
qu' argent avons a despendre,
- Alons
men de cy sanz attendre,
- Compains
Sevestre.
- DEUXIESME
SOIEUR. Alons, ci ne fait
plus bon estre.
- A
vous, Mondot!
- GUILLAUME.
Dame, nous revenons or
tost;
- Apportez
pain et vin et nappe.
- Ce
mantel ci qui vault bien chape
- Vueil
despoullier, il est d' iver.
- J'
ay fin, si me vueil desjuner:
- Delivrez
vous, alez au vin;
- Et
vous, fille, tandis, Aubin
- Alez
querre, si dinerons.
- Demain,
ce pens, aousterons,
- Si
me vueil de gens pourveoir.
- Ne
vueil pas longuement seoir,
- Au
mains pour ore.
- GUIBOUR.
Marie! Aubin se gist encore
- Dedans
son lit.
- GUILLAUME.
Il a bien pris a son delit
- Le
cras de ceste matinée.
- Va
l' appeler, va, po senée,
- Di
qu' il se liéve.
- LA
FILLE. Aubin, Aubin, s' il ne
vous griéve,
- Vueillez
me s' est jour ou non dire.
- Dormirez
vous hui mais, biau sire?
- Egar!
il ne me respont point;
- Approuchier
le vueil par tel point
- Que
je saray, vueille ou ne vueille
- Cy
le descuevre.
- De
certain s' il dort ou s' il veille,
- Or
sus, sire! sus, sans sejour!
- Dormirez
vous cy toute jour?
- Qu'
est cecy, Diex? Ha! mére, mére!
- Vezci
nouvelle trop amére.
- Je
doi bien plaindre et plourer fort,
- Conme
plaine de desconfort:
- Je
suis perdue.
- GUIBOUR.
Qu' as tu, qui ci es esperdue
- Et
qui ci pleures?
- LA
FILLE. Plourer doy bien: mes
bonnes heures
- Et
touz mes bons jours sont passez,
- Car
je voi qu' Aubin trespassez
- Est.
Lasse! lasse! que feray?
- Certes,
pour lui de dueil morray.
- Ha!
doulx Aubin! la compagnie
- D'
entre nous deux si est faillie
- Malement
brief!
- GUILLAUME.
Vezci douleur et meschief
grief;
- Miex
amasse tout mon avoir
- Avoir
perdu. Fille, est ce voir
- Que
je t' oy dire?
- LA
FILLE. Il est ja jaune conme
cire.
- Pére,
ne me creés vous mie?
- Lasse!
sanz ami sui amie?
- Povre
et deserte.
- GUIBOUR.
Ha! belle fille, quelle perte!
- Certes,
bien doy mes poins destordre
- Et a
plourer mes yeulx amordre,
- Quant
j' ay perdu le doulz Aubin
- Qui
tant m' onoroit de cuer fin
- Et
tant m' amoit.
- LA
FILLE. Lasse! mére, il ne m'
appelloit
- Touz
jours que s' amie ou sa suer;
- Si
ques se j' ay tristesce au cuer,
- J'
ay bien raison.
- PREMIER
VOISIN. Diex soit ceens! Quelle
achoison
- Vous
fait ainsi crier et braire?
- Avez
vous de si grant dueil faire
- Cause
entre vous?
- GUILLAUME.
Oil, voir, Robert, voisin
doulx
- Aubin
est mors.
- PREMIER
VOISIN. E! Diex li soit misericors!
- Guillaume,
voisin, il m' en poise.
- Par
la mére Dieu de Pontoise,
- Se
je le peusse amender!
- Ore
je vous vueil demander,
- Si
grant dueil faire que vous vault?
- Certes
nient. Je scé bien qu' il fault
- Que
nature en ce cas s' acquitte;
- Mais
aiez douleur plus petite,
- Si
ferez bien.
- LA
FILLE. Et conment seroit ce? Je
tien,
- Robert,
que Dieu m' avoit donné
- Le
plus courtois, le miex sené,
- Le
plus amoureux, le plus doulx
- Et
le plus liberal de touz
- Les
hommes nez de ceste terre;
- Si
que se grant dueil mon cuer serre,
- N'
est pas merveille.
- GUIBOUR.
Certes, tu dis voir. Ta pareille
- N'
avoit en toute la contrée
- D'
avoir esté bien assenée
- A
bon et bel. Or est ainsi.
- Mors
est: Dieu li face mercy
- Par
sa bonté!
- PREMIER
VOISIN. Escoutez: s' avez voulenté
- De
moy rien conmander a faire,
- Si
le me dites sanz retraire:
- Je
le feray.
- GUILLAUME.
Robert, donques vous
prieray
- Que
me faciez venir un coffre.
- Une
autre foiz a faire m' offre
- Pour
vous autant.
- PREMIER
VOISIN. Je le vous vois querre
batant,
- Conment
qu' il prengne.
- DEUXIESME
VOISIN. Robert, s' en santé
Dieu vous tiengne,
- Ou
alez vous?
- PREMIER
VOISIN. Gautier, je vois, mon ami
doulx,
- Querre
un sarqueil.
- DEUXIESME
VOISIN. Sarqueil! pour qui?
est ce conseil?
- Dites,
voisin.
- PREMIER
VOISIN. Nanil, Gautier; c' est pour
Aubin,
- Le
gendre au maire.
- DEUXIESME
VOISIN. Aubin! Dieu li soit
debonnaire
- Et
doulx a l' ame!
- PREMIER
SERGENT. Gautier, se Dieu
vous gart de blasme,
- Qui
dit il qui est trespassez?
- N'
ay pas eu loisir assez
- De
lui entendre.
- DEUXIESME
SERGENT. Aubin, celui qui estoit
gendre
- Guillaume,
maire de Chiefvi.
- Hui
au matin encor le vi
- Sain
et haitié.
- PREMIER
SERGENT. Diex ait de son
ame pitié!
- Certainement,
c' est grans damages;
- Car
biaux estoit, jones et sages
- Et biau
parlier.
- LE
DEUXIESME VOISIN. A ce pas nous
fault touz aler.
- A
Dieu, amis!
- PREMIER
SERGENT. A Dieu, Gautier,
qui vous ait mis
- Hui
en bon jour et en bon mois!
- Sanz
plus ci estre, aux plaiz m' en vois;
- Il
en est heure.
- LE
BAILLIF. Dont viens tu, se Dieu te
sequeure?
- Est
de nouvel ame semons,
- Ne
que dit on, or me respons,
- Aval
la ville?
- PREMIER
SERGENT. Esmerveilliez sont
plus de mille
- Personnes
qu' alés est a fin
- Ce
biau jonne homme et fort, Aubin,
- Puis
orains prime.
- LE
BAILLIF. Que diz tu, pour le roy
haultisme?
- Est
mors Aubin?
- PREMIER
SERGENT. Ainsi le dient li
voisin
- Conmunement.
- LE
BAILLIF. Je suis touz esbahiz
conment
- Il
peut estre mors. Siez te, siez
- Je
tieng qu' il a esté bleciez
- D'
aucune ame, certainement,
- Dont
il est si soudainement
- Mort
conme il est.
- PREMIER
VOISIN. Vezci un coffre bel et net,
- Maire,
que vous fas apporter
- Pour
ce corps en terre porter
- Honnestement.
- GUILLAUME.
Met le jus, amis,
bellement,
- Que
Dieu t' aist, qu' il ne depiece.
- Voisin,
que ja ne vous meschiece,
- Vous
deux mettez ce corps dedens.
- Envers,
envers, non pas adens,
- Mes
bons anmis.
- LE
PORTEUR. Souffrez, il vous
sera bien mis
- Sire,
portez a ce bout la,
- Et
je porteray par deça.
- Ho!
mettez jus.
- PREMIER
VOISIN. C' est mis. Courtois li
soit Jhesus
- A l'
ame et doulx!
- LE
PORTEUR. Qui me paiera d'
entre vous
- De
mon portage?
- GUIBOUR.
Je, mon ami, de bon courage;
- Il
ne t' en fault ja barguignier.
- Prie
pour li, tien, va gaingner:
- Vezci
trois blans.
- LE
PORTEUR. Jhesu Crist, qui
est roy puissans,
- Li face a l' ame vray pardon!
- Se
jamais n' eusse mains don
- De
besongne que je feisse,
- De
robe neuve me veisse
- Bien
tost vestu.
- LE
BAILLIF. Tu penses, Gobin; dont
viens tu
- Si
embrunchié?
- LE
DEUXIESME SERGENT. Voir,
j' ay le cuer, sire, empeschié
- A
merveille, et sui envais
- De
penser et touz esbahiz
- Qu'
Aubin est mors.
- LE
BAILLIF. Touz nous fault passer par
ce mors,
- Vueillons
ou non.
- DEUXIESME
SERGENT. Je scé bien que ce fera
mon,
- Sire;
mais de ce me merveil
- Que
depuis orains hault soleil
- Par
la vile aloit et venoit,
- Et
entre les gens se tenoit
- Sain
et haictié.
- PREMIER
SERGENT. Par foy, c' est
damage et pitié,
- S' a
Dieu pleust.
- LE
BAILLIF. Il n' est homme qui me
peust
- Faire
entendant qu' il n' ait esté
- Feru
ou destraint ou bouté,
- Dont
il est mors soudainement.
- Je
cuide voir dire; alons ment.
- Je
vueil estre a son enterrage.
- Par
qui que soit seray je sage
- Conment
est mors.
- LA
FILLE. Ha, doulx Aubin, quant me
recors
- De
l' onnesté qu' en toy avoies,
- De
la grant amour dont m' amoies,
- Des
bons muers dont estoies plains,
- J'
ay bien cause se je te plains
- Et
se pour toy suis esplourée;
- Car
de touz biens suis esgarée
- Et
en grant douleur convertie.
- Ha!
mort, com dure departie
- As
fait de nous deux en po d' eure!
- Pren
m' aussi et si me deveure
- Et
de ce siécle me delivre:
- Je
l' ay trop plus chier qu' ainsi vivre
- En
tel destresce.
- LE
BAILLIF. Dieu sa paix et sa grace
adresse
- Sur
vous trestouz!
- GUILLAUME.
Mon seigneur, si face il
sur vous
- Par
sa bonté!
- LE
BAILLIF. Il me poise, par verité,
- Maire,
de vostre empeschement
- Et
de ceste mort malement:
- Se
je le peusse amender!
- Si
vous vueil ainsi demander
- Conment
a esté si tost pris.
- Estoit
il de mal entrepris
- Dedens
le corps?
- GUILLAUME.
Sire baillif, sachiez puis
lors
- Que
nostre fille li donnasmes,
- Ne
li ne autre ne trouvasmes
- Qui
deist qu' il eust nul mal
- Ne
hors ny ens, n' amont n' aval,
- Ne
sus ne jus.
- LE
BAILLIF. De tant m' en esbahis je
plus
- Qu'
il est ainsi mors. Et vous, femme,
- En
savez vous riens, par vostre ame,
- Ne
qu' ait esté en compagnie
- Ou
l' en li ait fait villenie?
- Dites
le moy.
- GUIBOUR.
Nanil, sire baillif, par foy,
- Mais
suis esbahie forment
- Conment
ainsi soudainement
- Est
trespassez.
- LE
BAILLIF. Entre vous deux avant
passez;
- Descouvrez
moi tost celle biére,
- Et
son suaire en tel maniére
- Descousez
que veoir le puisse
- Dès
la teste jusqu' a la cuisse,
- Pour
en estre miex hors de doute;
- J'
en feray ma testée toute,
- Ains
c' on l' enterre.
- PREMIER
SERGENT. Sire, il vous sera
fait bonne erre.
- Avant!
ce couvercle levons,
- Gobin;
et puis le descousons,
- Puis
qu' ainsi est.
- DEUXIESME
SERGENT. Or sus de la, sanz
faire plet!
- Descoudre
vueil ceste couture.
- Sire,
ay j' assez fait descouture.
- A
vostre avis?
- LE
BAILLIF. Descouvre moi bien tout
son vis,
- Que
je voie gorge et poitrine.
- Hola!
Tenez vous en saisine
- De
mére, de fille et de pére.
- Nier
ne peuent qu' il n' appére
- Qu'
il est murdriz; c' est chose voire.
- Veez
come a la gorge noire:
- Qui
que soit, voir, l' a estranglé.
- Faites
tost, n' y ait plus janglé;
- Les
mains en croiz et par derriére
- Leurs
liez, et en tel maniére
- Les
enmenrez com chiens en laisse.
- Le
voir saray, ains que je cesse,
- De
ce fait cy.
- LE
FRéRE. Diex soit ceens! Las! qu'
est cecy?
- Frére,
je doi bien dueil avoir
- Quant
mort vous voy; si ay je, voir,
- Que
que nulz die.
- LE
COUSIN. Mort qui l' as pris, Diex te
maudie!
- Tu
as pris de nostre lignage
- Le
plus vaillant et le plus sage.
- Las!
de si bien moriginé
- Estre
a mort si tost destiné,
- C'
est grant damage.
- LE
BAILLIF. Seigneurs, de tant vous
fas je sage
- C'
on l' a murdri, je n' en doubt point;
- Mais
vous ne m' eschapperés point,
- Ne
vous, ne vous, par les dens Dé,
- Si
en saray la verité,
- Puis
qu' est ainsi.
- GUILLAUME.
Sire baillif, pour Dieu,
mercy!
- Ne
nous vueillés pas si mal estre;
- Par
tout nous voulons rendre et mettre
- Ou
vous direz.
- LE
BAILLIF. C' est pour nient.
Seigneurs, vous ferez
- Ce
que j' ay dit.
- PREMIER
SERGENT. Sire, il vault
fait sanz contredit.
- Tandis
que lier vueil le pére,
- Robin,
vas, si lies la mére.
- Or
fais bonne erre.
- DEUXIESME
SERGENT. Il ne m' en fault pas
trop requerre:
- Je
m' en vois delivrer, par m' ame.
- Avant!
bailliez ça voz braz, dame,
- Et
faites brief.
- GUIBOUR.
Lasse! chetive! il m' est a
grief,
- Si
ne m' i vault riens escondire.
- Egardez:
vostre vouloir, sire,
- Faites
de moy.
- LA
FILLE. Lasse! dolente! avoy!
avoy!
- Bien
me ressourt douleur amére,
- Quand
je voy mon pére et ma mére
- Que
pour la mort de mon mari,
- Dont
en cuer sont triste et marri,
- Justice
veult si mal contraindre
- Que
lier leur fait et estraindre
- Devant
les mains.
- LE
BAILLIF. Si fera l' en vous plus ne
mains,
- Belle
amie, et si en venrez
- Avec
eulx, pas ne demourrez.
- Lie la, lie.
- PREMIER
SERGENT. Voulentiers. Or
ça, belle amie,
- Voz
deux mains avoir me convient
- Pour
lier. Refus n' y vault nient:
- Delivrez
vous.
- LA
FILLE. Or suis j' angoissée de
touz
- Les
coustez que femme peut estre:
- Je
voy mon compaignon mort estre;
- Je
voy pére et mére en peril
- D'
estre a honte mis a essil;
- Je
mesme sui prise et liée
- Pour
mener con fame jugée
- A
morir. Ha! dame des cieulx,
- En
pitié de voz tresdoulx yeulx
- Me
regardez.
- LE
BAILLIF. Avant, avant! plus ne
tardez.
- Seigneurs,
menez les devant moy.
- Par
le serement qu' ay au roy,
- Ou
assez tost voir me diront,
- Ou
il questionnez seront
- Vilainement.
- DEUXIESME
SERGENT. Or ça, passez
ynellement,
- Sanz
plus ci estre.
- LE
BAILLIF. Faites ce corps en terre
mettre,
- Sanz
deporter.
- LE
COUSIN. Je lo que le facions porter,
- Cousin,
tout droit au cimetiére,
- Sanz
jesir plus sur terre en biére;
- Et
puis, quant enterré l' arons,
- De
son service ordenerons
- Qu'
il soit fait gent.
- LA
FILLE. Bien est. Plaise vous,
bonne gent,
- Cy
les mains mettre.
- GUILLAUME.
Vierge, mére au doulx roy
celestre,
- Des
desvoiez adresce et port,
- Dame,
donnes nous ton confort:
- Mestier
en est.
- LE
BAILLIF. Gobin, or tost, va, si me
mect
- Tout
avant euvre en la gourdaine
- La
mére; et puis la fille maine
- D'
autre costé en paradis,
- Et
je Guillaume vueil tandis
- Questionner.
- DEUXIESME
SERGENT. Sire, dont l' i vueil
je mener,
- Puis
que le dites.
- GUIBOUR.
Sire, sire, touz frans et quittes
- Delivrez
ces deux inocens;
- Moy
justicez, je m' i assens:
- Ne
me peut le cuer assentir
- Que
plus leur voie mal sentir.
- Sachiez,
sire, qu' en cest affaire
- N'
ont coulpes; j' ay fait le fait faire
- Moy
seulement.
- LE
BAILLIF. Guibourt, dire vous fault
conment
- A
esté fait ce murtre cy,
- Et
pour quelle achoison aussi
- Convient
savoir.
- GUIBOUR.
Je vous confesseré tout voir:
- Dès
lor qu' Aubin ma fille ot prise,
- De
lui amer fui si esprise
- De
bonne amour conme mon filz
- Que
soiez certain, sire, et fiz,
- Pluseurs
l' amour bien apperçurent,
- Dont
telx oppinions conçurent
- Qu'
il me mistrent sus tel diffame
- Que
tout aussi con de sa femme,
- Ce
disoient, de moy faisoit
- Toutes
les foiz qu' il lui plaisoit,
- Et
de nous deux c' estoit tout un.
- Ce
renom me donna conmun
- Plus
de cinq cens foiz, non pas vint;
- Et
tant ot couru qu' il avint
- Qu'
en secré me fu revelée
- Ceste
dolente renommée,
- Dont
j' oy tel courroux et tel ire
- Que
je ne savoie que dire.
- La
me troubla sens et avis
- Li
ennemis par tel devis
- Que
depuis touz jours ma pensée
- A
esté mise et adrescée
- A
ce, conment qu' il deust prendre,
- Que
feisse morir mon gendre,
- Qu'
il me sembloit, s' il estoit mors,
- Que
plus ne courroit li recors
- De
mon diffame.
- LE
BAILLIF. Et conment le tuas tu,
femme?
- Savoir
le fault.
- GUIBOUR.
Je le vous diray sanz deffault.
- Hier,
en la place, m' adressay
- A
deux vallez, mais je ne sçay,
- Sur
l' ame de moy, qui ilz sont,
- Qui
laboureurs de braz se font.
- En
parlant a eulz, leur ouvri
- Le
vouloir et leur descouvri
- Que
j' avoie de ceste mort;
- Et
ilz furent de mon accort
- Pour
l' argent que je leur promis.
- Adonc
en mon celier les mis,
- Et
puis y envoiay mon gendre,
- Par
ce que je li fis entendre
- Que
trop malement soif avoie;
- Et
il se mist tantost a voie.
- Quant
il y vint, tantost fu pris
- Par
la gorge, et si entrepris
- Que
mort le gettérent par terre.
- Lors
le fis apporter bonne erre,
- Et
le couchames en son lit,
- Con
si dormesist par delit.
- Les
deus varlés moult bien paiay,
- Et
tantost les en envoiay;
- C'
en est la fin.
- LE
BAILLIF. C' est assez. Maine l' en,
Gobin,
- Ou
je t' ay dit.
- DEUXIESME
SERGENT. Sire, je vois sanz
contredit.
- ça,
dame, ça!
- LE
BAILLIF. Certes, je n' oy mais
pieça
- Parler
de murtre si vilain.
- Ores
je vous delivre a plain,
- Guillaume,
et vostre fille aussi.
- Passez,
alez vous ent de cy
- Ysnellement.
- GUILLAUME.
Sire, nous ferons
bonnement
- Vostre
plaisir, c' est de raison.
- Or
sachiez, fille, qu' en maison
- Qu'
aie jamais je n' enterray,
- Tant
qu' au moustier esté aray
- Nostre
dame de Fineterre,
- Pour
li deprier et requerre
- Qu'
elle soit a ta mére amie;
- Car
je voy, certes, que sa vie
- Est
en balance.
- LA
FILLE. Ferés? et je, sanz
detriance,
- Droit
a Limoges m' en iray,
- Et a
saint Lienart offerray
- En
cierges mon pesant de cire;
- Afin
qu' il deprist nostre sire
- Qu'
il vueille deffendre ma mére
- Et
la garder de mort amére
- Et
de vilaine.
- GUILLAUME.
Celle qui est de grace
plaine,
- Li
soit amie a ce besoing!
- Au
departir, fille, te doing
- Ma
beneiçon; vaz a Dieu!
- Ne
sçay se jamais en ce lieu
- Cy
revenray.
- LA
FILLE. A Dieu, pére! ne fineray
- Tant
qu' a saint Lienart aie esté
- Mettre
me vois, en verité,
- Com pelerine.
- LE
FRéRE. Chier sire, par vostre
benigne
- Grace,
a vous venons ci endroit
- Requerre
que nous faciez droit
- De
nostre ami.
- LE
BAILLIF. Est il enterrés, ou en my
- La
sale ou vous et li laissay?
- Du
fait la verité bien sçay.
- Que
dites vous?
- LE
COUSIN. Oil: en terre, sire doulx,
- Est
il livrez.
- LE
BAILLIF. Assez tost serez delivrez.
- Auberi,
va le bourriau querre,
- Et
li dy qu' il s' en voit bonne erre
- Une
estache faire drescier
- Pour
une femme justicier.
- Quant
preste sera, ne se tiengne
- Que
tantost a moy ci ne viengne,
- Or
fai briefment.
- PREMIER
SERGENT. Voulentiers, sire;
vraiement,
- Je
le voi, c' est bien ma besongne.
- Cochet,
alez tost, sanz eslongne,
- De
par le bailli, nostre maistre,
- Une
estache drescier et mettre
- Ou
viez bordel qui est maison
- Gaste.
Or tost, sanz arrestoison!
- Et
si tost conme fait arez,
- Ou
ses plaiz tient a lui venrez.
- Delivrez
vous.
- LE
BOURRIAU. Tantost sera fait,
ami doulx.
- Dès
ci m' y vois embesongnier.
- Dites
li sanz gaires songier
- A
lui iray.
- PREMIER
SERGENT. Cochet amis, bien
li diray.
- Sire,
j' ay parlé a Cochet.
- Il a
fourche, estache et crochet,
- Cordes
et tout quanqu' a li fault.
- A
vous venra cy, sanz deffault,
- Trestout
en l' eure.
- LE
BAILLIF. Or me vas, Gobin, sanz
demeure
- Amener
Guibour cy presente.
- J'
ay de savoir encore entente
- Que
me dira.
- DEUXIESME
SERGENT. Sire, tantost fait vous
sera;
- G' y
vois. ça! issez hors, Guibour;
- Au
bailli sanz faire demour
- Vous
fault venir.
- GUIBOUR.
Doulce mére Dieu, souvenir
- Vous
vueille de ceste chestive;
- Car
je ne croy pas que je vive
- Longuement:
pour ce, doulce dame,
- Vous
pri qu' aiez merci de m' ame,
- Quoy
qu' aie pecherresse esté.
- Ha!
dame, par vostre bonté
- Confortez
moi.
- LE
BAILLIF. Guibour, belle amie, je
voy
- Par
mesmes ta confession
- Qu'
a mort et a perdicion
- Par
toy a esté mis ton gendre,
- Ainsi
le m' as tu fait entendre,
- Et
que ton mari en descoupes
- Et
ta fille, et qu' en ce fait coupes
- N' a
nulz que toy.
- GUIBOUR.
Sire, il est verité, par foy.
- Dit
vous ay pourquoy et conment;
- Et
voi bien qu' a mon jugement
- Sui
pour lui amenée icy.
- Or
ait Diex de m' ame mercy,
- Et
la vueille a sa part attraire
- Et
d' enfer garder et retraire,
- Ou
n' a que paine.
- LE
FRéRE. Chier sire, de ceste
vilaine
- Murtriére,
qui si faucement
- Mon
frére a murdri, jugement
- Vous
requier dès ici endroit.
- Or
vous plaise a m' en faire droit,
- Sanz
dilatoire.
- LE
COUSIN. Sire, il vous requiert
raison, voire.
- Puis
qu' elle a le fait congneu,
- Par
droit devez estre meu
- A sa
requeste.
- LE
BOURRIAU. Mon seigneur, la
besongne est preste,
- Ainsi
que mandé le m' avez.
- Or
me dites que vous voulez
- Que
je plus face.
- LE
BAILLIF. Pren une hart et la me
lasse
- Entour
le col de ceste fame:
- Mourir
li convient a diffame;
- Et
lui liez les mains aussi,
- Et
puis nous en irons de ci
- A la
justice.
- LE
BOURRIAU. Et je vueil ouvrer
de m' office,
- Puis
que le dictes.
- GUIBOUR.
E! dame, qui par voz merites
- Dignes
a Dieu et precieuses,
- Dessus
toutes les glorieuses
- Ames
qui en paradis sont
- Et
qui jamais estre y pourront
- Avez
et arez seigneurie,
- Je
parle a vous, vierge Marie,
- Confortez
moy a ce besoing,
- Et
de m' ame aiez cure et soing;
- Car
je voy bien et sanz deffault
- Le
corps morir a honte fault
- Et
assez brief.
- LE
FRéRE. Certes on ne vous peut
trop grief
- Ne
trop honte faire, murtriére,
- Qui
avez en telle maniére
- Mon
frére mort.
- LE
BAILLIF. Acheter li feray son tort.
- Auberi,
vaz tantost crier
- En
la place sanz detrier
- Que
nul chief d' ostel ne remangne
- Qu'
a la justice tost ne viengne;
- E
puis revien.
- PREMIER
SERGENT. Sire, je le vous
feray bien.
- Or
escoutez vous en conmun:
- A
touz ensemble et a chascun,
- Par
foy, fas ce conmandement
- Qu'
a la justice ysnellement
- Venez
que le baillif veult faire,
- Sur
quanque vous pouez meffaire
- Envers
le roy.
- PREMIER
VOISIN. G' y ay plus chier aler,
par foy,
- Que
je l' amende.
- DEUXIESME
VOISIN. Et j' aussi, qu' il
ne me demande
- Amende,
y vois.
- LE
BAILLIF. Sus! assez grans est noz
convois,
- Et
touz jours venront gens assez.
- Devant
moy, toi et li, passez.
- Cochet,
delivrer s' en convient:
- Le
delaiement n' y vault nient.
- Mouvez,
mouvez.
- LE
BOURRIAU. Avant! de venir
vous prouvez,
- Dame;
ne fault point dire: Qu' est ce?
- Je
vous menray com chien en laisse
- A
ceste hart.
- GUIBOUR.
E! Diex, mon cuer pourquoy ne part
- Et
créve afin que je morusse,
- Si
que plus honte ne beusse
- Du
grant meschief ou je me voi?
- Sire
baillif, octroiez moy
- Un
don par vostre doulx plaisir:
- Que
ci aie un po de loisir
- De
prier la dame de grace,
- Puis
que devant l' eglise passe:
- Ce
vous requier.
- PREMIER
VOISIN. E! ottroiez li, sire chier,
- Ce
que requiert pour l' amour Dieu,
- Sanz
entrer dedanz le saint lieu:
- Vous
ferez bien.
- DEUXIESME
VOISIN. Certainement, sire,
je tien,
- S'
un petit li donnez d' espace,
- Ne
pourra que miex n' en trespasse;
- Et
nous devons, c' est l' escripture,
- Vouloir
de toute creature
- Le
sauvement.
- LE
BAILLIF. Femme, or te delivres
briefment;
- Je
te l' ottroy, puis c' on m' en prie;
- Met
t' a genoulz.
- GUIBOUR.
Voulentiers, mon chier seigneur
doulx.
- Ha!
dame de misericorde,
- A
Dieu, ton chier filz, m' ame acorde;
- Tu
qui les pecheurs justifies,
- Et
les tiens es cieulx glorifies,
- Aies
pitié de ma misére;
- Dame
qui es la doulce mére
- Au
createur de tout le monde,
- De
ceste lasse en qui habonde
- Tant
de tristesse et de doulour
- Aies
pitié par ta doulçour;
- Car
grant mestier ay de t' aide.
- M'
ame sequeur et m' ame aide,
- Car
li corps iert tost excilliez,
- En
feu bruiz et greilliez:
- Et
pour ç' a toy me rens confesse,
- Conme
trespovre pecheresse,
- De
touz les pechiez qu' onques fis,
- Dont
meffaite suis vers ton filz,
- Soit
en parler, en diz, en faiz.
- Dame,
pardon donner m' en faiz
- De
Dieu, qui seul en a puissance,
- Qui
voit des cuers la repentence
- Tout
clérement.
- LE
BAILLIF. Avant, avant! sus! alons
ment:
- Yci
endroit trop me delay.
- N'
ay que faire de tel delay:
- Le
plus du jour est trespassez.
- Or
tost, Guibour, passez, passez.
- Cochet, de li mener te haste.
- De
son corps fauldra faire un haste
- Ardent
en flame.
- GUIBOUR.
E! vierge, precieuse gemme,
- Ce
baillif redoubt come fouldre
- Qui
si s' aire et si s' esfoudre
- Contre
moy. Vierge pure et monde,
- Souveraine
de tout le monde,
- Empereris
du ciel et dame,
- Par
le tourment de ceste flame,
- Par
ceste mort pesme et honteuse,
- Royne
du ciel glorieuse,
- Du
feu d' enfer m' eschive et garde
- Et
m' ame come toie garde:
- Je
la te livre.
- LE
BOURRIAU. Puis qu' il fault
que je vous delivre,
- Dame,
a genoulz ci vous mettez,
- Or
ça, lier par les costez
- A
ceste estache ci vous vueil;
- Et
puis referay un acueil
- Par
le col et par la poitrine,
- Ains
que je cesse mais ne fine
- Ne
que plus face.
- GUIBOUR.
Vous qui me regardez en face,
- Priez
pour moy a nostre dame
- Que
par le feu et par la flame
- Ou
doit mon las de corps bruir,
- Le
feu d' enfer puisse fuir
- M'
ame, que n' en soit approuchée;
- Et
si vous pri que reprouchée
- Ne
soit ceste honteuse mort
- Mon
compagnon, qui n' y a tort,
- Doulce
gent, n' a sa fille aussi;
- Car
je tieng fermement cecy
- Que
moult les adole et les blesce
- Ma
mort, et met en grant tristesce,
- Et
fait a mon tourment partir.
- Autrement
n' en peuent partir
- Ny
eschaper.
- LE
BAILLIF. Cochet, pense de toy
haster.
- Puis
que liée est de fors hars,
- Couche
sur lui de toutes pars
- Largement
et busche et estrain,
- Et
puis le feu y boute a plain,
- Sanz
tant songier.
- LE
BOURRIAU. Je ne quier boire
ne mengier
- Tant
que soit fait. Regardez, maistre.
- Je
ne scé c' on la puist miex mettre:
- De
toutes pars enclose en buche
- Est
con se fust en une huche
- Pour
tost esprandre.
- LE
BAILLIF. Au feu, au feu, sanz plus
attendre!
- Au
feu, bonne erre!
- LE
BOURRIAU. Tantost, sire, je
le vois querre.
- Or
est tout prest.
- DIEU.
Mére, mére, et heure et temps est
- Que
de ci vous convient descendre
- Pour
aler sauver et deffendre
- Guibour,
qui tant piteusement
- Vous
appelle, et tant doulcement
- Requiert
a moy avoir accorde
- Parmi
vostre misericorde
- Que
je li pardoing son meffait.
- Alez
la deffendre de fait,
- Que
pour feu qu' entour li on face
- Son
corps n' empire ne n' efface
- Ne
ne malmette.
- NOSTRE
DAME. Filz, d' aler y sui toute
preste.
- Or
sus, Gabriel, descendez,
- Et
vous, Michiel, et si chantez
- En
alant la.
- GABRIEL.
Dame, vostre gré fait sera.
- Avant,
Michiel! Chantons, amis,
- Puis
qu' a voie nous sommes mis,
- Par
doulx accors.
- RONDEL. Dieu puissans, misericors.
- Vostre
grant misericorde
- Fait
pecheurs avoir accorde
- A
vous: c' est un doulx accors,
- Dieu
puissant, misericors;
- Et
voir est que li recors
- De
vo grace c' on recorde
- Maint
cuer du Sathan descorde.
- Dieu
puissant, misericors,
- Vostre
grant misericorde
- Fait
pecheurs avoir accorde.
- LE
BOURRIAU. Alumer vueil par
telx effors
- Ce
feu, puis que j' ay la matiére,
- Qu'
il fauldra c' on se traie arriére
- De
touz costez.
- NOSTRE
DAME. Mes amis, ce feu deboutez
- Si
loing de m' amie loyal
- Que
ne li puisse faire mal.
- Guibour,
ton courage asseure:
- Tu
n' aras, soies en seure,
- Par
ce feu peine ne tourment,
- Pour
ce que si devotement
- M'
as appellée.
- GUIBOUR.
Ha! dame, qui d' estre loée
- De
bouche, de voiz et de diz
- Sur
touz les sains de paradis
- Avez
grace et prerogative,
- Quant
vous plaist moy lasse, chetive,
- De
si cruelle mort deffendre,
- Conment
le vous pourray je rendre,
- Vierge
Marie?
- LE
BAILLIF. Certainement je ne croy
mie
- Que
ne soit arse ceste femme:
- Trop
a geté ce feu grant flame
- Et
trop ruvesche.
- LE
FRéRE. Sire, la fouaille estoit
seche;
- S'
elle y a gangnié, si le prengne.
- De
sa mort n' ay je point d' engaigne
- Ne
de courroux.
- LE
BOURRIAU. Seigneurs, je voi
ses liens rouz,
- Ses
cordes et toutes ses hars;
- Riens
n' y a que tout ne soit ars;
- Mais
elle encore est toute saine,
- N'
elle n' a plaie ne ne saine,
- Ains
est tresbelle.
- LE
FRéRE. Par le sanc et par la
boiielle!
- Murdriére,
ainsi n' en irez pas;
- Arse
serez ysnel le pas,
- Vous
n' eschapperez pas a tant.
- Cousin,
tost alons querre tant
- Palis,
buissons, chaume, pesas,
- Qu'
elle de mort n' eschappe pas
- A
ceste empainte.
- LE
COUSIN. Je n' en ay pas voulenté
fainte;
- Cousin,
alons.
- LE
FRéRE. Baillif, pour ce que nous
voulons
- Que
soit tost celle murdriére arse,
- Et
en pouldre sa char esparse,
- Vezci
qui dit.
- LE
BAILLIF. Gettez sur li sanz
contredit,
- Afin
que le feu tost esprengne,
- Si
que de lui riens ne remaingne
- Ni
char ny os.
- NOSTRE
DAME. Feu, je te deffens et
forclos
- Que
sur ceste femme ne passes
- Ne
que de riens tu li meffaces.
- Belle
amie, confortes toy.
- Alons
men, seigneurs, vous et moy
- Es
cieulx lassus.
- MICHIEL.
Vostre gré ferons, dame. Or
sus,
- Gabriel,
disons sans descors.
- RONDEL.
Et voirs est que li recors
- De
vo grace c' on recorde
- Du
Sathan maint cuer descorde.
- Dieu
poissans, misericors,
- Vostre
grant misericorde
- Fait
pecheurs avoir accorde.
- GUIBOUR.
Biaux seigneurs, pour
misericorde,
- Je
vous pri a touz humblement
- Et
requier, faites belement,
- Espargniez
moy, si ferez bien:
- Sachiez
pour voir que nulle rien
- Ne
sens de chose c' on me face:
- Gardée
sui par la Dieu grace.
- N'
aiez honte d' estre vaincu;
- Car
nostre dame ay a escu,
- Qui
royne et dame est des cieulx,
- Et
m' a avec elle esté Diex
- Garant
aussi.
- LE
BAILLIF. Seigneurs, seigneurs,
certes vezci
- Miracles
et tresgrant merveille,
- C'
onques mais ne vi sa pareille.
- Nous
avons malement pechié
- Contre
Dieu d' avoir empeschié
- Ainsi
laidement ce saint corps.
- Guibour,
chiére amie, yssiez hors
- De
ce feu. Je vous jur par m' ame,
- Je
voi bien qu' estes sainte fame.
- Garde
n' arez.
- GUIBOUR.
Sire, ce que conmanderez
- Feray
de cuer sanz attendue.
- ça,
vez me ci du feu yssue;
- Que
vous plaist, sire?
- LE
BAILLIF. Dame, du courroux et de l'
ire
- Que
j' ay eu vers vous de fait,
- Et
de ce que vous ay meffait,
- A
genoulz et a jointes mains
- Vous
requier pardon; ou au moins
- Que
de vous ne soie maudis,
- N'
entre gent blamé ne laidis:
- Ce
vous requier.
- GUIBOUR.
Pour Dieu, levez sus. Je ne quier
- Point,
sire, telle humilité
- Con
ci faites, qu' en verité
- Vers
moy de riens n' estes meffaiz;
- Car
si grans par est mes meffaiz
- Qu'
ardoir cent foiz me deussiez.
- Se
tant ardoir me peussiez;
- Mais
par la doulceur nostre dame,
- Que
j' ay requis de cuer et d' ame,
- Sauvée
sui et garentie.
- Se
faite m' avez villenie,
- La
mére Dieu le vous pardoint,
- Et
bonne fin a touz nous doint;
- Et
je si fas.
- PREMIER
VOISIN. Or ne nous arrestons ci
pas:
- Avec
li touz nous avoions
- Et
au moustier la convoions.
- La
graces a Dieu rendera
- Et a
sa mére aussi, qui l' a
- Si
bien gardée.
- LE
DEUXIESME VOISIN. C' est chose
moult bien regardée
- Et
c' on doit faire.
- LE
BAILLIF. Ma chiére amie debonnaire,
- Il
dient voir. Alez devant;
- Nous
vous irons de près suivant
- Trestouz
ensemble.
- GUIBOUR.
Soit, sire, puis que bon vous
semble;
- Aussi
l' avoie je pensé.
- Amoureux
Jhesus, qui tensé
- Avez
mon corps de mort vilaine
- Et
vous, dame, qui chastellaine
- Estes
du ciel emperial,
- Septre
de la gloire royal,
- Et
de grace fontaine et puis,
- Tant
con je scé, tant con je puis,
- Vous
et vostre doulz filz merci,
- Et
de tout mon cuer vous graci
- Con
celle qui d' or en avant
- Tant
conme je seray vivant
- A
mon pouoir vous serviray,
- N'
en riens je ne m' ocupperay,
- Qu'
a vous servir; c' est bien raison.
- Sire
baillif, en ma maison
- Par
vostre gré m' en puis j' aler?
- Veuillez
m' en response donner,
- Se
c' est voz grez.
- LE
BAILLIF. Oil, Guibour; mais vous n'
irez
- Pas
seule, ains vous convoieray
- Et
compagnie vous tenray,
- Moi
et mes gens.
- PREMIER
SERGENT. Soions de mouvoir
diligens:
- Je
vois devant.
- DEUXIESME
SERGENT. Et j' avecques vous. Or
avant:
- Voie
ci, voie!
- GUIBOUR.
Seigneurs, pour ce convoy la joie
- Vous
doint Dieu a touz qui ne fine.
- Or
me laissiez par amour fine
- Hui
mais seule estre.
- LE
BAILLIF. Pensons de nous au retour
mettre.
- A
Dieu, Guibour!
- GUIBOUR.
Sire, a Dieu, qui vous doint s'
amour!
- Et
grans merciz!
- PREMIER
POVRE. Vierge, qu' a Dieu lez li
assiz,
- Gardés
touz ceulx qui bien me font.
- De
povreté le corps me font.
- Povre
suis je, ce n' est pas doubte;
- Car
je ne say, quant l' en me boute,
- Se
ce sont ou bestes ou gent,
- Ne
ne congnois le plonc d' argent,
- Ne
coivre ne monnoie d' or.
- Las!
conme il pert noble tresor,
- Bonne
gent, qui pert la clarté!
- Donnez
moy, car en verité
- Hui
ne vi qui me donnast rien.
- Au
povre qui ne voit pas bien,
- Pour
l' amour Dieu!
- GUIBOUR.
Bon homme, ne meuz de ce lieu;
- Attens,
attens, je vois a toi.
- Tien,
biau frére, prie pour moy
- Le
roy celestre.
- LE
PREMIER POVRE. Ha! dame,
Diex vous vueille mettre
- Et
tenir en santé de corps,
- Et a
la fin misericors
- Vous
soit a l' ame!
- DEUXIESME
POVRE. E! Dieux, est il
homme ne fame
- Qui
me reconfort d' une aumosne?
- Que
Dieu, qui siet des cieulx ou throsne,
- Li
vueille aider qui m' aidera
- Et
qui s' aumosne me donrra!
- Donnez
moy pour la Dieu amour
- Vostre
aumosne, dame Guibour.
- Je
sui un povre mesnagier,
- Qui
n' ay que donner a mengier
- A
trois petiz enfans que j' ay,
- Par
ceste ame, ne je ne sçay
- Conment
en aie.
- GUIBOUR.
Ne fais, amis? or ne t' esmaie:
- Tu
n' en iras pas escondit,
- Puis
qu' il est ainsi com m' as dit:
- Tien,
ce sac plain de blef emporte,
- Trousse
bien tost, vuide ma porte;
- Va,
pour Dieu soit!
- DEUXIESME
POVRE. Dame, Dieux qui voit
et perçoit
- Des
cuers le vouloir plainement,
- Le
vous rende au grant jugement
- Qu'
il doit tenir!
- GUIBOUR.
A Dieu en vueille souvenir,
- Amis,
si com je le desir,
- Qui
me doint faire son plaisir
- De
bien en miex.
- TROISIESME
POVRE. Regardez m' en pitié;
que Diex,
- Bonne
gent, sa grace vous doint,
- Et
touz voz pechiez vous pardoint,
- Si
conme il fist la Magdalaine!
- Vous
veez bien a quelle paine
- Je
vif; n' y a point de faintise.
- E!
dame, par vostre franchise,
- Faites
me bien.
- GUIBOUR.
Et que te donrray je du mien,
- Frére,
de quoy ton corps miex vaille?
- Par
foi! je n' ay denier ne maille,
- Si
ay je de toy grant pitié.
- Ore,
pour la Dieu amistié,
- Savoir
vois se te puis rien faire.
- Tien,
tien, mon ami debonnaire,
- De
ce mantel te fas chasuble;
- N'
en ay plus. C' est de quoy m' afuble
- Quant
je vois hors.
- TROISIESME
POVRE. Jhesus, li doulx
misericors,
- Et
sa doulce mére Marie
- Ce
hault don, ceste courtoisie
- A
cent doubles vous vueille rendre,
- Et a
sa part vous vueille prendre,
- Dame,
a la fin!
- GUIBOUR.
Amen. Je l' en pri de cuer
fin
- Qu'
il le me face.
- PREMIER
VOISIN. Gautier, par le corps
sainte Agace!
- J'
aloie savoir s' estiez prest:
- D'
aler a l' eglise temps est
- Pour
le bon jour.
- DEUXIESME
VOISIN. Oil, alons men sanz
sejour.
- N'
est pas preudons qui en l' eglise
- N'
ot au jour d' ui le saint servise,
- Conment
au temple porté fu
- De
sa mére le doux Jhesu
- Qui
pour nous en croiz mort souffri,
- Et
conment pour li elle offri
- Deux
coulombiaux.
- PREMIER
VOISIN. C' est un des services plus
biaux,
- A
mon gré, de toute l' année.
- Alons
nous ent sanz demourée:
- L'
eglise est loing.
- DEUXIESME
VOISIN. Prenons d' estre y a
temps le soing.
- Par
mon hostel, sanz plus, alons;
- Mon
cierge y est, nous le prendrons,
- Si
l' offerray.
- PREMIER
VOISIN. Vezci le mien que je
donrray
- Aussi
au prestre.
- GUIBOUR.
E! dame de qui Dieu voult
naistre,
- Pieça
ne fu que je n' oysse
- De
vous la messe et tout l' office
- Mais
qu' ui; et si est la journée
- Conment
alastes aournée
- Faire
par grant devocion
- Vostre
purificacion
- Et
porter vostre enfant au temple:
- C'
est la cause qui les yex m' emple
- De
lermes, certes, a bon droit.
- Je
souloie avoir ci endroit
- Prestre
qui me disoit la messe
- En
mon oratoire sanz presse:
- Or
ne le puis je mais avoir,
- Car
donné ay tout mon avoir;
- Neis
un mantel que je mettoie
- Quant
vouloie aler par la voie,
- Dame,
ai donné pour vostre amour,
- Si
que, se je fas ci demour,
- Je
n' en soie de Dieu reprise;
- Car,
dame, se vois a l' eglise,
- Les
gens si me regarderont
- Et
puis de moy se moqueront
- Pour
ce que je suis ainsi nue,
- Et
je souloie estre vestue
- Richement
et de grans atours;
- Mès
m' esperance et mes retours
- Est
que par ce de moy mercy
- Arez
et vostre filz aussi:
- Pour
c' enclose cy me tenray,
- Et
de cuer vous deprieray
- Devotement.
- DIEU.
Or sus, trestouz, sus: alons ment.
- A ce
jour de m' oblacion
- Vueil
de messe reffeccion
- Donner
Guibourt, qui la me sert
- Si
que bien avoir la dessert.
- Vous
deux anges, alez devant.
- Mére,
et vous les irez suivant;
- Et
entre nous irons après.
- Anges,
soiez en alant près
- D'
un biau chant dire.
- MICHIEL.
Nous le ferons voulentiers,
sire,
- Et
de cuer, pour plusieurs raisons.
- Gabriel,
chier compains, disons
- D'
accort joyeux et sanz ire.
- RONDEL.
Humains, bien vous doit
souffire
- Qu'
estes tant de Dieu amez
- Qu'
est mort pour vous a martire;
- Humains,
bien vous doit souffire
- Et
quant par nous vous fait dire
- Qu'
aussi de vray cuer l' amés,
- Humains,
bien vous doit souffire
- Qu'
estes tant de Dieu amez.
- SAINT
JEHAN. Empereris du Dieu
empire,
- S'
il vous plaist, ce cierge offerrez.
- Et
vous ces deux aussi ferez.
- Dame,
je m' en vois par deça.
- Tenez,
Vincent amis, or ça.
- Lorens,
ce cierge ci arez,
- Lequel
offrir ja vous irez
- Quant
on ara chanté l' ofrande.
- Tien,
fame, et de voulenté grande
- Et
sainte, non pas come nice,
- Loes
Dieu de ce benefice
- Que
tu ci vois.
- GABRIEL.
Sus! conmençons a haulte vois
- L'
introite sanz contredit.
- Le
confiteor si est dit.
- Michiel,
or sus!
<Cy chantent touz ensemble; et puis va Nostre Dame a
l' offrande, et les autres après; et après dit Nostre Dame:>
- NOSTRE
DAME. Michiel, vas dire a celle
femme
- Qu'
elle se fait donner grant blasme
- Du
prestre que tant fait muser,
- Et
que viengne sanz plus ruser
- Offrir
son cierge.
- MICHIEL.
Voulentiers, glorieuse vierge.
- Dame,
venez appertement
- A l'
offrande; trop longuement
- Muse
le prestre: si offrez.
- C'
est mal fait quant vous le souffrez
- Attendre
ainsi.
- GUIBOUR.
Amis, sachiez ce cierge ci
- A li
n' a autre n' offerray;
- Mais
chiérement le garderay.
- Procéde
le prestre et s' adresce
- A
oultre pardire sa messe,
- Sanz
moy attendre.
- MICHIEL.
Je vois ceste response rendre.
- Glorieuse
vierge Marie,
- Dit
m' a qu' elle ne venra mie,
- Et
que le prestre en sa preface
- Procéde
et sa messe parface
- Hardiement.
- NOSTRE
DAME. Gabriel, or y vas
briefment,
- Et
di que de venir s' avance,
- Et
que c' est d' offrir l' ordenance
- Cierge
a ce jour.
- GABRIEL.
Dame, g' y vois sanz plus sejour
- Faire
cy. Delivrez vous, fame,
- Tost;
ce vous mande nostre dame.
- Apportez
ce cierge a l' offrande.
- Vous
faites vilenie grande
- De
tant faire attendre le prestre.
- Vueillez
vous tost a voie mettre;
- Venez
offrir.
- GUIBOUR.
Il se peut bien de moy souffrir.
- Die
sa messe: a brief parler,
- Je
n' y pense point a aler,
- Ne
point n' iray.
- GABRIEL.
A ma dame ainsi le diray,
- Puis
que vous n' y voulez venir.
- Dame,
elle pense a retenir
- Son
cierge, et m' a dit en ce point
- Pour
certain ne l' offerra point:
- C'
est tout a brief.
- NOSTRE
DAME. Vas encore a li derrechief,
- Et
lui di que plus ne se tiengne
- Que
le cierge offrir tost ne viengne;
- Et
se du contraire s' efforce,
- Oste
li le cierge par force
- Hors
de ses mains.
- GABRIEL.
Dame, elle n' en ara ja mains.
- Je
revien a vous, belle amie.
- Venez
offrir, ne laissiez mie,
- Ou
ce c' on m' a chargié feray,
- C'
est que des poins vous osteray
- Ce
cierge, voir.
- GUIBOUR.
Vous n' arez ja tant de pouoir,
- Amis,
que le m' ostez du poing;
- Et
si vous deffens et enjoing
- De
touchier y.
- GABRIEL.
Puis que je le tieng ja par my,
- J'
en seray maistre.
- GUIBOUR.
Et g' i vueil si ma force mettre
- Que
certes il me demourra;
- Ja
de mes mains ne partira:
- Pour
nient tirés.
- GABRIEL. Assez tost autrement direz.
- Au
mains ceci emporteray.
- Dame
des cieulx, je vous diray:
- Vezci
quanque j' en puis avoir;
- Si
ay j' assez fait mon devoir
- De
li oster.
- DIEU.
Avant! il ne fault point doubter
- Que
ce qu' elle en a vraiement
- Gardera
precieusement
- Et
par tresgrant devocion.
- Or
sus, nostre procession
- Parfaisons
en allant ès cieulx;
- Et
chantez, anges: c' est le miex
- Que
je cy voie.
- MICHIEL.
Vraiz Dieux, nous le ferons de
joye,
- Sanz
vous de riens contredire.
- RONDEL. Et quant par nous vous fait dire
- Qu'
aussi de vray cuer l' amez,
- Humains,
bien vous doit souffire
- Qu'
estes tant de Dieu amez.
- GUIBOUR.
A! dame, de voz granz bontez
- Vous
merci. Dieux! ou ai j' esté?
- Il
m' a semblé pour verité
- Qu'
en une grant eglise estoie
- Ou
com royne vous veoie
- Et
de sains avec vous grant presse;
- La
chantoit vostre filz la messe,
- Dont
saint Vincent estoit diacre
- Et
saint Lorens le soudiacre.
- Un
saint y ot, ce me sembla,
- Qui
un cierge a chascun livra
- Et a
vous conmença premier
- Et a
moy vint le derrenier,
- Ains
c' on conmençast l' introite;
- Et
puis, quant la messe fu dite
- Jusqu'
a l' offrende a voiz haultaine,
- Alastes
offrir premeraine,
- Et
puis touz les autres après.
- Puis
vint vostre ange moult engrès
- Qu'
offrisse le cierge qu' avoie,
- Que
tout entier garder cuidoie;
- Mais
pour ce que ne l' ay volu,
- L'
une moitié m' en a tolu
- Et
emporté par son effort;
- Mais,
dame, en ce me reconfort
- Qu'
il l' a si rompu et parti
- Que
le plus m' en a departi;
- Et
si congnois, vierge Marie,
- Qu'
ai esté en ame ravie:
- Dont
humblement je vous merci,
- Et
l' amoureux Jhesu graci
- De
quoy oublié ne m' a mie;
- Ains
m' a fait de sa courtoisie
- Hui
messe oir.
- LA
PREMIéRE NONNE. Guibour, vostre
cuer esjoir
- Devez
bien en Dieu pour certain;
- Car
de cecy vous acertain
- Qu'
a vous toutes deux nous envoie
- Dire
que vous mettez a voie
- De
venir sanz dilacion
- Prendre
nostre religion
- Et
nostre habit.
- DEUXIESME
NONNE. Il veult que laissiez
le labit
- De
ce monde pour li servir
- Et
aussi pour plus desservir
- Es
cieulx grant gloire.
- GUIBOUR.
Je vous diray parole voire:
- Certes,
c' estoit tout mon desir.
- Or
en alons au Dieu plaisir,
- Puis
que vous m' en devez mener;
- Je
suis toute preste d' aler
- Avecques
vous.
- LA
PREMIéRE NONNE. Or alons; mais
je lo que nous
- Chantons
en alant toutes trois,
- En
louant le doulx roy des roys
- Et
sa mére, ou n' a point d' amer.
- On
vous doit bien, vierge, loer,
- Quant
pour nous d' enfer desnoer
- Diex
se fist en vous homme,
- Qui
de la mort nous acquitta,
- Ou
Adam touz nous endebta
- Par
le mors de la pomme.
- Explicit.